Reste avec nous Seigneur
Bien-aimés, en ce 3e Dimanche de Pâques, l’Eglise propose à notre méditation la péricope de la belle histoire des disciples d’Emmaüs qui nous est bien familière. Cette histoire personnellement me rappelle toujours que le Seigneur vit ; Il est /et sera toujours avec nous. En effet, en relisant à chaque fois cet évangile, l’on s’aperçoit que ces deux disciples, pris dans le tourbillon des événements terribles et incompréhensibles de la mort tragique de Jésus, celui sur qui ils avaient tout misé. Ainsi, complètement abattus, ils tournent le dos à Jérusalem et empruntent la route d’Emmaüs. Désillusions et déceptions étaient leur seul sujet de conversation. Pour « eux qui espéraient » à du nouveau, la mort tragique de Jésus, met ainsi fin à l’aventure et au compagnonnage agréable avec le Seigneur. Et pour bien montrer ce désespoir, l’Evangéliste n’a pas hésité à employer l’imparfait qui traduit bien cet état de fait : « Nous espérions, mais maintenant nous n’avons plus d’espérance ». On voit alors combien, il est souvent tragique lorsque nous parlons de notre espérance au passé.
Bien-aimés, un jour ou l’autre, ici ou là, l’expérience de découragement et de déception des disciples d’Emmaüs nous arrive ou nous est arrivé : un grand espoir déçu, un deuil cruel, un échec cuisant, un souci si préoccupant de santé, cette question insoluble, cette situation humainement sans issue, une maladie incurable, la fin d’une grande amitié, un revers de fortune, une calomnie ou une médisance provenant d’un ami, une « dépendance » à la drogue, à l’alcool, au jeu, une infidélité désastreuse… Egalement, dans la vie de l’Église aussi, l’espérance semble devenir une flamme fragile. Je revois encore ces paroissiens d’un certain âge qui n’hésitent pas à me partager toutes leurs peurs sur l’avenir de l’Église surtout en Occident. Combien, ils espèrent encore voir le christianisme reconquérir les cœurs. Mais hélas !!! Voilà que des églises surtout en Occident, se ferment et se vendent, des diocèses risquent la faillite, peu de jeunes étudient pour la prêtrise et même des jeunes parents, avec l’éducation qu’ils ont reçu de leurs parents, n’arrive pas facilement à transmettre le flambeau de la foi à leurs enfants…
Et comme ces disciples d’Emmaüs, nous rentrons souvent à la maison, la tête basse, le regard éteint. Nous sommes tous, à un moment ou l’autre, sur la route d’Emmaüs : Nous nous retrouvons alors à la tombée du jour, quand la lumière faiblit et menace de s’éteindre, découragés et sans solutions à nos problèmes. Mais, devrons-nous baisser les bras ? Non et non !!! Le désespoir ne doit pas devenir nôtre. Nous devons continuer à avancer parce qu’il faut bien aller de l’avant et comme le psalmiste qui se demandait : « D’où nous viendra le secours ? », je professe comme lui : « Le secours viendra du Seigneur, celui qui a fait le ciel et la terre »
En revenant à l’Evangile et à l’expérience des disciples, voilà que celui sur qui portaient leurs échanges les rejoignit : Lui, le Ressuscité, le Vivant à jamais. Et, sans leur faire rebrousser chemin tout de suite, il accepte de cheminer avec eux, à leur rythme. Ainsi, en rejoignant les deux disciples, Jésus rejoint aussi leur préoccupation tout comme celui de tout homme en ce monde. Il s’invita sur leurs pas désespérants. Il est avec eux. Il a entendu leurs gémissements. Il les interroge et les écoute. Lui qui a tant de choses à dire aux hommes, c’est lui par contre qui commence par les écouter. Bien-aimés, quelle que soit la situation qui peut nous accabler, le Ressuscité est celui qui chemine toujours avec nous, respectant le rythme avec lequel nous vivons l’épreuve. Dieu veut entrer chaque jour dans notre vie. Il vient à travers un ami, un collègue de travail, un parfait étranger, un événement heureux ou malheureux. Au premier abord, il peut nous être très difficile de le reconnaitre ; lui qui fait route avec nous. Et pourtant il est là. Lui, Jésus dont le nom nous dit : « Dieu sauve » ; Lui le Ressuscité et le Vivant à jamais. Continuons alors à le chanter avec force et confiance :
Tu es là au cœur de nos vies, bien vivant Ô Jésus-Christ ».
Pour alors revivre et renaitre, il nous faut relire les Écritures et demander à Jésus de nous en fournir quotidiennement des clés d’interprétation. Évitons surtout le piège du dépiècement spirituel car, seul celui qui ouvrira son cœur et ses yeux de foi pour voir au-delà de tous les raisonnements cartésiens comprendra que la Parole de Dieu, que nous pensions connaître, éclaire plus les réalités quotidiennes d’une lumière nouvelle. Redécouvrons le gout de la méditation et du recueillement et de l’adoration silencieuse. Voyez comment dans ce texte, avec calme, Jésus « l’inconnu » dans l’histoire des deux disciples fait revoir ces événements sous un angle nouveau. La condamnation par les chefs, c’est vrai... la cruauté et l’injustice, c’est vrai… la mort sur la croix, c’est vrai... Mais si on projetait sur ces faits une autre lumière ! Si on essayait une autre explication ! Si on tentait d’éclairer tout cela par la Foi, on comprend mieux tout. Le Père n’a pas dit à son Fils : « Tu devras mourir sur la croix ». Mais il lui a dit : « Tu aimeras jusqu’à la fin, d’un amour sans limite ». La mort du Christ était le point culminant de cet amour sans frontière, et non pas le signe de sa défaite. Petit à petit, pour les disciples d’Emmaüs, la lumière se fait. Dieu, par sa Parole, fournit un éclairage différent.
L’autre point tournant de ce récit a lieu lorsque les deux compagnons de voyage offrent l’hospitalité à l’inconnu : « Reste avec nous... il se fait tard, le jour baisse... viens à table chez-nous ». Le Christ se fait reconnaître là où il y a communion fraternelle. Ce sens profond du partage, nous le retrouvons dans toute la Bible. L’étranger qui leur fait relire le passé à la lumière de la Parole de Dieu, leur ouvre un avenir nouveau. À la fraction du pain, ils le reconnaissent et peuvent maintenant retourner à Jérusalem en plein cœur de la nuit pour retrouver les autres, ceux qu’ils ont abandonnés le matin même.
Le texte d’évangile d’aujourd’hui se termine sur une très belle scène : les disciples s’échangent le message pascal : « Le Seigneur est ressuscité ». Et c’est la grande joie. La foi vivante, la foi véritable commence là où commence la joie de la rencontre. « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». (Mt 18,20).
L’histoire des disciples d’Emmaüs nous invite aujourd’hui à relire notre passé à la lumière de la Parole de Dieu, à accueillir le frère et la sœur dans le besoin et à partager ensemble le pain eucharistique : trois chemins que Jésus emprunte pour venir à notre rencontre et redonner un sens à notre vie.
P. René.